dimanche 28 janvier 2018

#7 Petites leçons de communication de crise. L'ethos : soyez crédible !


La question qui se pose désormais après avoir fait preuve d'émotion, d'empathie, voire de compassion, et la question de la crédibilité (ethos) de celui qui prend la parole. 

A l'évidence la parole d'un dirigeant d'entreprise pose davantage que celle de son directeur de la communication, à condition bien entendu que ce patron soit bon ! Dans la  crise du surgelé et des lasagnes à la viande de cheval, le PDG de Picard a eu l'idée de faire une vidéo pour expliquer la posture de l'entreprise afin de rassurer les consommateurs (cela c'est bien) mais assez contre-productive sur la forme. Décor non identifié et glacial (!), lecture de panneaux informatifs, ton péremptoire (la vidéo a été supprimée de Youtube depuis). 



L'efficacité de ce type de parole est douteuse tant la forme est mal maîtrisée. Et donc la crédibilité est elle-même remise en question puisque la conviction passe aussi par une mise en forme convaincante. 

Par extension, la question se pose aussi dans le cadre des relations presse. Suis-je bien préparé à répondre à une interview ? Ai-je tous les éléments en main ? Me suis-je entraîné ? Est-ce que je connais les attentes des médias ? 


Pour illustrer cet élément, il faut de se souvenir de la catastrophique interview de Didier Lombard sur RTL au moment de la crise chez France Telecom. Il me semble important de s'interroger sur la pertinence d'aller obligatoirement se faire "maltraiter" par un journaliste redoutable. La question est de savoir aussi si le PDG avait le choix ou non, mais cela était sans doute trop tard dans le déroulement de la crise. 

Il existe deux écoles concernant la prise de parole en situation de crise. La première est de confronter le top management à la prise de parole avec le risque d'être "mauvais" et d'avoir un impact image désastreux (citons le cas des prises de parole de Tony Hayward, le directeur de BP dans la crise de la plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique). Mais une bonne performance (les multiples prises de parole de Guillaume Pepy à la SNCF) renforcent en revanche la personnalité de l'entreprise et le discours. 
L'autre option est de faire parler un communicant ou à défaut un chef de site, un collaborateur. L'avantage est de pouvoir l'éjecter s'il est mauvais (fonction fusible) et aussi de protéger le top management. Cette solution est intéressante et permet de conserver la prise de parole du dirigeant pour le moyen terme et lui permet de poser une parole plus réfléchie. 

Enfin, la question de l'ethos pose aussi la crédibilité des multiples commentateurs de l'information et aussi de la pertinence des médias.

En somme, une prise de parole crédible est un élément clef de la communication de crise. Ce qui explique que 9 entreprises sur 10 préfèrent encore se taire...

lundi 8 janvier 2018

#6 petites leçons de communication de crise : de l'émotion ? ou non ?


Suite de la précédente petite leçon de communication sur la construction du message, abordons aujourd'hui la place de l'émotion.

Plus globalement, dans l'art de la persuasion, Aristote définissait trois registres que l'on peut retrouver ici : crédibilité, émotionnel et logique. En communication de crise, il est recommandé de construire les messages en respectant un équilibre entre ces trois piliers. Prenons un exemple, celui du premier communiqué de presse diffusé par Air France le 1er juin 2009 à 13h14 lors de la catastrophe de l'AF 447 Rio Paris. 


Au-delà des éléments purement factuels, la cellule de crise d'Air France utilise le pathos en premier (le regret, partage l'émotion et l'inquiétude). C'est la dimension humaine du drame qui est traduite. Compassion, empathie, pensée aux victimes et aux familles, l'entreprise Air France s'inscrit dans une proximité affective et s'engage à tout faire pour "soulager" dans la mesure du possible les familles. 
Si l'usage du pathos est évidemment compréhensible, son "dosage" est plus difficile. Dans le cas précité, Air France utilise la même formule de compassion lors des trois premiers communiqués de presse pour ensuite passer à un registre différent. En revanche, nombreux sont les cas où l'organisation ou des hommes politiques en font "trop" et le pathos dévore littéralement le discours pour ne plus être crédible.
Ce dosage est conditionné par le temps. Temps de l'émotion des premiers instants, temps de la compréhension, temps de l'explication. Il convient de retenir ensuite que cette fragmentation des registres et des temps de communication répond aussi au découpage des attentes des médias. Mais ceci fera l'objet d'une autre petite leçon de communication de crise.
Prochaine leçon : les deux autres registres logos et ethos

jeudi 4 janvier 2018

#5 petites leçons de communication de crise : la construction du message


En cellule de crise et après avoir défini la posture globale de l'entreprise, il est important de définir le message à diffuser (et si on a quelque chose à dire...)

La construction d'un message en situation de crise est déterminante puisque cela va conditionner le fondement de la communication. Décliner en plusieurs variantes, le ou les messages vont constituer les éléments de discours (ou de langage) qui fixent l'argumentation générale de l'entreprise. En effet, occuper sa place dans la communication est importante à condition que l'entreprise est quelque chose à dire... La technique de l'argumentation est donc importante à rappeler... Un argument, c'est donc "la somme" d'une idée et d'un fait. 

ARGUMENT = IDEE + FAIT

Exemple : 
* Notre entreprise a beaucoup œuvré depuis deux ans pour la protection des riverains. Ici, le message reste dans le domaine de l'idée, de l'ordre du général = Inefficace. 
* Notre entreprise a beaucoup œuvré depuis deux ans pour la protection des riverains. A ce titre douze réunions mensuelles d'information ont été organisées ainsi que la mise en place d'une brochure de sensibilisation aux gestes de premiers secours, brochure tirée à 12000 exemplaires = conviction argumentée. 
Pour illustrer encore davantage cette technique d'argumentation, il convient d'écouter le directeur de Merck France dans la crise liée au Levothyrox ("j'aimerais que l'on reste factuel"). 

A cela il convient d'ajouter les registres de la persuasion définis par Aristote : le logos, le pathos, l'ethos. Ce sera l'objet de la prochaine petite leçon de communication de crise.