La promesse d’un monde meilleur,
des relations sociales et humaines décrispées, une vitesse accrue dans la
connaissance de soi, des autres, du monde. Telles étaient les promesses de ce
monde 2.0 que les agences et les marques, les politiques et les marchands d’espace
nous promettaient. La réalité est aujourd’hui plus cruelle.
Apparu comme la panacée
universelle de sociétés en soif de connaissances et de sens politique, le
développement accéléré des réseaux sociaux depuis la naissance de Facebook promettait enfin une nouvelle relation entre
le citoyen et son environnement au sens large, que celui–ci fut politique,
économique ou social. En 1999, The cluetrain manifeto, déclarait que
les « marchés étaient des
conversations ». La bonne blague. Il s’agissait surtout de créer de
nouveaux espaces de conquêtes économiques et financières. En somme, il
s’agissait de faire du business avec ces nouveaux outils de
« communication », du brand
content en racontant des histoires plus ou moins crédibles sur Facebook ou
sur YouTube... Artificiellement, les nouveaux marchands du Temple que sont les
agences de marketing digital, ont créé une aspiration, une attraction vers plus
de mouvements virtuels et plus de
dépendance. Exemple la nouvelle application de chez Carrefour, censée rendre
plus heureux et simplifier nos achats !
Comme autrefois avec la publicité
télévisée qui voulait rendre dépendant aux spots de 10 secondes, les publicités
sur le web ont complètement envahi notre perception de la finalité même de
cette promesse numérique. La
connaissance, le savoir, sont aujourd’hui bafoués par la dernière campagne d’un
assureur ou d’une marque automobile. Pire, l’influence est perverse puisqu’elle se
dissimule en fonction de votre usage d’internet. Vous cherchez un robot de
piscine, tous vos mails vous affichent de bonnes affaires de robots de piscine.
Rendez-vous, vous êtes cerné !
D’ailleurs l’excellent Washington
Post vient de dévoiler les 98 critères mis en place par Facebook pour
tracer le « con-sommateur » idéal. Ce citoyen qui exige la plus
totale liberté de penser et de consommer, est définitivement tracé dans les
petits méandres de son existence. Ah ! la liberté promise des réseaux
sociaux !
Le mensonge est ainsi présent
dans la préhension des social media
(pour faire brancher), mais également dans son contenu. Rien ne remplacera une
discussion de vive voix avec son voisin, celui qui habite sur le même pallier
de porte et que vous ne connaissez même pas. Rien ne remplacera une
conversation téléphonique avec la cousine américaine ou japonaise. Rien ne remplacera
les conseils avisés d’un vendeur de canapé... L’illusion est d’avoir réussi à
faire croire à des millions d’individus, qu’ils étaient plus libres grâce aux
réseaux sociaux. C’est faux ! Et la dépendance est telle, qu’il suffit de
regarder une terrasse de café ou une famille scrutant en
« communion » leurs terminaux mobiles pour comprendre que l’imposture
digitale a atteint son but. Isoler l’individu, le rendre addict à son profil
FB, son compte Instagram ou autre… Comme
il suffit de prendre conscience de son haut degré de liberté lorsque, par
chance, vous êtes déconnecté d’internet pendant une semaine…
L’autre farce est de parler de
« contenu ». Cela fait très sérieux. Cette agence va créer du contenu autour de votre marque et
de votre produit pour le rendre plus sympathique, plus crédible. Jusqu’en arriver
à l’overdose comme le souligne bien la revue Influencia.
Nez rouge digital
Bien entendu, il est évident
qu’internet est une formidable source de savoirs et de connaissances. La
question se pose néanmoins sur le degré de dépendance de l’individu face au
« miracle » en sachant que 26 millions de comptes Twitter sont animés
par des robots, que la multiplication des faux profils sur Facebook est légion
et les arnaques aussi. En fait, le numérique a ouvert la boite de Pandore et
offert sur un plateau toutes les turpitudes refoulées d’une société en
recherche d’elle-même. Se réfugiant derrière son écran, l’homo numericus, semble avoir dans la main, un accès au monde
facile, immédiat à cette nouvelle réalité virtuelle… L’imposture est d’avoir
rendu dépendant sociologiquement, économiquement et politiquement, l’individu à
cette farce. Même en entreprise, on ose encore faire croire que la mise en
place d’un réseau social interne, sauvera le dialogue interne… Chacun a le
droit de rire de ces tartes à la crème derrière lesquelles un management
incompétent se réfugie.
Sociologiquement, tout le monde,
avec un peu de temps de réflexion, le conçoit. Fausse promesse, discours creux,
fausse personnalité, on vous fait croire que vous êtes quelqu’un de bien alors
que votre vie n’intéresse personne : photos hideuses, anecdotes consternantes, trois fois rien de
bien intéressant… Parce que vous avez 458 amis sur Facebook, vous vous créez
une nouvelle vie en parallèle de la vie réelle. Vous êtes désormais accro à
votre mobile qui vous relie en permanence à tout ces « autres », sans
très bien savoir qui ils sont. Vous avez
déjà signé un pacte diabolique avec le marketing digital. Vos amis vous abonnent
à des sites marchands, vous recevez des offres inespérées, vous êtes le
consommateur idéal, vous existez enfin ! On s’intéresse à vous !
c’est de la magie ! La recommandation marche à plein régime parce que vous
le valez bien et que vous êtes quelqu’un de bien. Mais votre voisin de palier,
celui qui vit avec 800€ euros par mois,
vous ne le connaissez pas et il aurait juste besoin de chaleur humaine. Lui, il
a juste posté qu’il allait mettre fin à ces jours et personne ne l’a vu,
personne n’a ouvert la bouche dans cette agora du mensonge et de l’ignorance…
Politiquement c’est identique. Il
vous suffit d’écrire au Premier ministre ou à un élu pour rencontrer un CM
(community manager) qui applique les consignes du chef et du parti. La langue
de bois succède à la petite phrase assassine, le slogan remplace la bannière, Twitter
sauve la face du monde ! Quelle gabegie et quelle dépense d’énergie
pitoyable ! On ne rencontre plus son élu sur la place du marché, on le
« like » ou on le « follow ». On nous parle désormais de citoyenneté
numérique ! Elle est bien loin l’agora grecque !
Dans le même esprit les grands
défenseurs de la liberté d’expression que sont Facebook, Twitter et Youtube,
ont offert sur un plateau d’argent, la possibilité aux pires des terroristes de
développer leur propagande…
Mensonge de réputation
En communication de crise, c’est
la même histoire. Il ne saurait y avoir aujourd’hui de crise sans une gestion
professionnelle des réseaux sociaux. Une blague sur Twitter et c’est toute
votre réputation qui serait mise à mal pour des années. Encore une imposture.
La réputation, c’est dans la vraie vie qu’elle se joue. Certes il peut y avoir
des mouvements d’humeur sur le web, mais sérieusement, rare sont les crises 2.0
qui bouleversent la vie d’un entreprise. Même dans des événements majeurs (VW,
Société générale, Nestlé), les entreprises et les marques sont toujours là… Et
les plus aguerries, veillent ce qui se passe sur Internet mais laissent les
enfants jouer dans leur bac à sable numérique.
Petit exemple de manipulation
digitale. Intervenant aux cotés d’une agence de communication 2.0 pour une
entreprise de l’agro-alimentaire, sujet à un excès de critiques suite à une
campagne de publicité nullissime, l’agence en question a réussi le tour de magie
suivant : convaincre l’entreprise qu’il fallait tout miser sur le
numérique afin de rétablir le risque de réputation défaillante. Le budget
n’était pas défaillant, lui, et tournait autour de centaines de milliers
d’euros. Jackpot. L’entreprise, ignorante des modèles numériques, fit
confiance. On créa des faux profils sur les réseaux sociaux (une quarantaine),
on créa du trafic (SEO) autour d’articles publiés sur des médias ouverts (Le
Figaro, Agora Vox, L’Obs, etc.), on publia une multitude de commentaires pour
minorer les propos antagonistes, en somme, un vrai plan d’action de
communication de crise 2.0. Le tout couronné de graphiques quotidiens, de
tendances actualisées, de projections à court terme, de tableaux croisés
dynamiques, de pourcentages démontrant… quoi au juste ?
Rien. Si ce n’est l’augmentation
artificielle de mots clefs, centrée
autour de la marque. Si ce n’est la multiplication de faux likes, de
commentaires dithyrambiques. Et le constat que l’entreprise n’avait perdu aucun
public… Non pas à cause de la stratégie digitale, mais parce que les
consommateurs étaient déjà sur autre chose et se moquaient en quelques heures
du problème de cette entreprise. Certes, il y eut bien un coup de chauffe au
début mais rien de grave par rapport à l’ouverture du 20h00 de TF1 ou la Une du
Canard enchainé.
Imposture financière
L’imposture est totale. Rien
n’empêche désormais les marchands du temple de vous faire croire au Père Noël.
A grand coup de big data et de trafic d’influence, ces agences sont prêtes à
vous vendre votre propre mère pour faire du business. Les écrans publicitaires
sont concurrencés par les bannières intrusives et les fenêtres dévoreuses
d’espace. Mais ça marche. Les entreprises tombent dans le panneau du numérique
parce qu’elles ont peur de rater un mouvement qui leur ouvrirait des espaces
nouveaux. Des nèfles. Le numérique ouvre rarement de nouvelles opportunités
(concédons qu’il yen a quelque unes mis davantage dans la mise en relation),
mais de là en faire une économie et un investissement, c’est une tarte à la
crème.
Si nous considérons que le web
répond à trois fonctions, savoir, communiquer, acheter, alors le pari est gagné.
Même au détriment de la qualité
de l’information, de fake et de multiples hérésies. Mais on nous promet
déjà que tout va changer avec le 3.0...
Pour conclure, tout cela c’est du
marketing, (on parle aussi de marketing prédictif) la « science des
ânes » disait mon professeur de marketing, du tripatouillage de données,
du power point léché et dynamique mais en tout cas loin de la vraie vie. Celle
de ceux qui bossent à l’usine, sur les marchés à 5h00 du matin, dans les
transports en commun bondés etc. Celle des réunions entre amis mais où on ouvre
une bouteille de vin en dégustant une terrine de sanglier faite maison. Non,
soyons sérieux. Votre vie digitale est juste un cauchemar. Réveillez
vous !
Sources :
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